Intelligence territoriale

L’intelligence territoriale

 

L’intelligence territoriale – qui ne fait pas aujourd’hui encore totalement l’unanimité au sein des sciences de l’information et de la communication – renvoie, sur un plan général, à un processus cognitif que les différentes communautés territoriales mettent en œuvre pour assurer le développement équitable et soutenable de leurs territoires (Girardot, 2004) via des méthodes collaboratives de transformation et de partage des connaissances (Bozzano, 2009). Historiquement, l’intelligence territoriale, correspond à l’ensemble des connaissances pluridisciplinaires nécessaires pour connaître et agir sur des territoires (Girardot, 2004). Plus précisément, elle relève d’un processus cognitif d’organisation de l’information (Dumas, 2004) qui résulte de l’appropriation [par les acteurs] des ressources d’un territoire (Bertacchini, 2004) via, notamment, l’utilisation pertinente d’outils numériques de diagnostic territorial. Plus précisément, elle se décline aujourd’hui comme un processus de coopération communautaire » mettant en œuvre une « intelligence embarquée utilisant les TIC (Bertacchini, Girardot & Gramaccia, 2006).

C’est dans ce cadre conceptuel qu’ont été analysés par les chercheurs de l’OER-OET l’expérimentation italienne de Sérino[1] et le développement plus récent d’un diagnostic territorial sur la commune wallonne déshéritée de Seraing, près de Liège, cadre incluant l’utilisation du débat argumenté et réglé de type « habermassien » pour la co-construction de savoirs développée dans l’enseignement du développement durable (Legardez, 2007). Les actions pédagogiques de vulgarisation auprès des acteurs territoriaux des résultats scientifiques obtenus par l’OER, puis par l’OET rentrent elles-aussi dans ce cadre conceptuel. Car – de facto – l’Observatoire de l’Ecole Rurale et l’Observatoire éducation et territoires ont tous les deux empiriquement mis en œuvre une démarche d’investigation collective, participative et coopérative se rapprochant de l’intelligence territoriale, avant même que la notion d’intelligence territoriale ne fût véritablement ès qualité scientifiquement conceptualisée.

Toutes ces pratiques expérimentales d’acteurs territoriaux et de chercheurs en sciences humaines ont eu et ont toujours en commun – il s’agit là de la démarche fondamentale de l’intelligence territoriale – de vouloir redonner prise sur eux-mêmes à des habitants et des acteurs locaux dépossédés de la maîtrise de leur « destin », aussi bien collectivement qu’individuellement. Développées dans le cadre renouvelé du développement durable, incluant donc des formes de participation coopérative relevant d’une dynamique à visée démocratique, ces pratiques relevant de l’intelligence territoriale ont pour objectifs premiers de favoriser l’auto-construction d’identités collectives fondées sur la notion de décision participative (Froger & Oberti, 2002) qui dépassent l’identité patrimoniale pour se tourner vers l’avenir en tant que forces de proposition et d’action. Du reste, de plus en plus de pratiques éco-socio-citoyennes d’acteurs territoriaux, comme l’a fait l’OER depuis le début, promeuvent aujourd’hui dans ce but l’appropriation collective d’instruments numériques – mais pas que – de diagnostic territorial et de compréhension contextuelle. Il en va également ainsi, par exemple, de l’observatoire numérique territorial développé par l’association belge d’Optim@, de l’Observatoire des quartiers sud de Marseille (OSQM) et des journées de formation acteurs-chercheurs à l’éducation au développement durable (JEDD) de Digne-les-Bains développées depuis trois ans.

PC & MF

Pour plus de détails, voir l’article de Pierre Champollion et Michel Floro intitulé « Du diagnostic territorial à la prise en compte du contexte territorial. La démarche d’intelligence territoriale à l’œuvre dans l’éducation » dans le hors série n° 16 de la revue Diversité en fin 2015.

[1] Réfléchir collectivement sur le plan local à l’avenir des élèves – ici dans le territoire, mais sans les y « enfermer » ! – c’est ce qui avait été tenté, dans le contexte déshérité de la vallée de Serino, en Campanie, dans l’Italie du sud, un milieu très défavorisé. Dans cette vallée déshéritée de Campanie, les enseignants des établissements scolaires locaux (écoles, collèges et lycées), à la fin des années 1995, avaient regroupé leurs efforts pour essayer, au travers d’un développement local adossé aux savoirs locaux, patrimoniaux entre autres, qui était essentiellement conduit par les acteurs éducatifs locaux, de favoriser par leurs projets socio-économiques l’avenir, id est l’insertion professionnelle locale, des élèves qu’ils scolarisaient qui, sinon, auraient eu toutes chances de se retrouver durablement au chômage (Pesiri, 1998; Champollion, 2013).