Espaces montagnards

La zone de montagne française

La définition de la zone administrative de montagne française, qui a servi de base spatiale au zonage « montagne » de l’Observatoire de l’Ecole Rurale-Observatoire Education et Territoire, résulte d’un ensemble de textes administratifs pris essentiellement entre 1974 et 1978[1] à la suite du décret initial de juin 1961 qui définissait administrativement la commune montagnarde comme une commune ayant plus de 80% de son territoire à une altitude moyenne supérieure à 700 mètres[2] ou bien ayant des pentes moyennes supérieures à 20 % ou bien encore combinant les deux critères, id est une altitude minimale de 500 mètres et des pentes moyennes de 15 % (directive européenne 75 / 268). Cette « définition » rigoureusement administrative a été par la suite quelque peu assouplie, par la loi Montagne de 1985[3] notamment. Au sein de cette zone de « montagne » a été définie une zone de « haute montagne » dont l’altitude moyenne communale, pour les Alpes françaises, est supérieure à 1.600 mètres (« décret n°77-1281 du 22 novembre 1977).

Bien entendu, ce découpage administratif n’a pas que des avantages ! Si elle a le grand mérite de classer sans ambiguïté toutes les communes de France (celles-ci font partie ou bien ne font pas partie de la zone de montagne), la « définition » retenue ne correspond en effet pas pour toutes les communes à toutes les difficultés particulières potentielles de la montagne (fréquence et durée d’enneigement, pentes et accessibilité des terrains agricoles, risques naturels, enclavement routier et nombre de virages au kilomètre, isolement culturel, éloignement de l’offre de formation, etc.) : la haute vallée de la Tarentaise, au-dessus de Bourg-Saint-Maurice, ou la haute vallée de l’Ubaye autour de Barcelonnette, par exemple, ne sont pas totalement enclavées sur le plan routier, même si elles restent éloignées de leurs chefs-lieux de département respectifs, et surtout ne sont pas véritablement isolées sur le plan culturel, au contraire du plateau ardéchois, par exemple.

Néanmoins, cette segmentation territoriale fondée principalement sur l’altitude communale moyenne, qui renvoie en revanche clairement aux différentes politiques sectorielles territorialisées conduites (indemnités spécifiques françaises, zonages européens, moratoires scolaires, etc.), regroupe des communes qui, dans leur très grande majorité, témoignent d’une territorialité montagnarde (Debarbieux E., 2008) indéniable. C’est pourquoi, faute de meilleure, l’OER l’a retenue pour servir de support aux études sur l’école de montagne menées. Le corpus géographique des recherches sur la scolarisation montagnarde de l’OER s’inscrit ainsi  globalement, sous cet angle, dans les espaces et territoires de moyenne montagne ou, plus précisément, de montagne simple[4] de la zone administrative de montagne[5] sis dans les quatre départements métropolitains de l’Ain, des Alpes de Haute Provence, de l’Ardèche et de la Haute Loire[6], qui abritent près des ¾ des effectifs du rural isolé du panel OER.

La zone de montagne et l’espace rural isolé dans laquelle elle s’insère généralement en France constituent donc bien tous les deux, on le voit, des espaces ruraux et montagnards ayant été depuis longtemps et étant encore aujourd’hui véritablement appropriés par leurs habitants, y compris en matière de scolarisation spécifique (Gumuchian & Mériaudeau, 1980), au sein desquels se sont progressivement développés des comportements sociaux et culturels spécifiques (Debarbieux E., 2008, op.cit.), c’est-à-dire des « mentalités » fondées sur une véritable territorialisation des esprits (Bozonnet, 1992, op.cit.)[7]. Tout ce qui précède légitime pleinement aux yeux des chercheurs de l’OER-OET l’entrée territoriale « montagne » choisie en termes de cohérence interne et facilite, pour des raisons similaires, l’interprétation des analyses factorielles des correspondances qui ont été conduites dans le cadre de l’Observatoire. Nous voudrions enfin rappeler que les découpages institutionnels, pas plus les découpages départementaux que les découpages académiques, ne se sont avérés vraiment pertinents pour analyser les variations socio-spatiales de la réussite et de l’orientation des élèves au travers des trajectoires scolaires des élèves montagnards.

PC


[1] Arrêtés des 20/10/1974, 18/03/1975, 18/01/77 et 13/11/1978 et décret n° 77-566 du 03/06/1977.
[2] 600 mètres pour les Vosges et 800 mètres pour les Alpes du sud.
[3] Une commune de montagne connaît une limitation des possibilités d’utilisation de la terre en fonction des conditions climatiques (loi Montagne). Au-delà, une commune d’altitude inférieure à la moyenne réglementaire, pour être classée en zone de montagne, doit « se caractériser par des pentes de plus de 20% sur au moins 80% de son territoire » (Pour la Montagne, no 147, 2004).
[4] L’appellation dite « montagne simple » renvoie, elle, aux espaces et territoires classés en zone de montagne n’appartenant pas à la catégorie « haute montagne », fondée elle sur la seule altitude. Il s’agit donc pour l’essentiel des Vosges, du Jura et du Massif Central, c’est-à-dire d’espaces et de territoires de moyenne montagne.
[5] Pour des raisons similaires, la précédente base de données développée au début des années 1980 sur le volet éducation de la montagne par l’Institut de Géographie Alpine s’était également adossée à la zone administrative de montagne française (cf. référence bibliographique no 130).
[6] Les échantillons issus des deux autres départements du panel général rural OER-OET (Drôme et Haute Saône) ne comprennent statistiquement pas d’élèves appartenant à la zone de montagne : sur les 630 élèves de la sous-base « n + 4 », 232 sont scolarisés dans la Haute-Loire, 215 dans les Alpes de Haute Provence, 91 dans l’Ain, 92 en Ardèche et 1 seul en Drôme. Compte tenu de la faiblesse de certains effectifs départementaux, dont trois sont inférieurs à 100, les données recueillies seront toutes analysées au niveau global de la sous-base « montagne » toute entière et non, au sein de celle-ci, département par département.
[7] Bozonnet, J.-P. (1992). Des Monts et des mythes. L’imaginaire social de la montagne. Grenoble : PUG, 294 p.