Inégalités socio-spatiales

  • Les inégalités socio-spatiales

    L’inégalité est une « différence perçue ou vécue comme une injustice, comme n’assurant pas les mêmes chances à chacun.». (in Dict. Les mots de la géographie, R. Brunet et al., 1992, La Documentation Française, page 253). L’inégalité est étroitement associée à la notion de disparité, entendue comme une « différence de niveau dans les domaines économiques, sociaux, culturels…». (in Dict. Les mots de la géographie, R. Brunet et al., 1992, La Documentation Française, page 150). Lutter contre l’inégalité constitue un fondement de la République et donc de toute action législative ou gouvernementale. Dans le cas français, nombre d’historiens et de sociologues ont montré combien la société était sensible à l’inégalité (cf. révolutions de 1848, 1789, etc.), et en particulier en matière d’éducation. La politique d’aménagement du territoire en France, dont l’apogée correspond aux années 1960, illustre parfaitement cette volonté politique de lutter contre l’inégalité en rééquilibrant la distribution des hommes et des activités dans l’espace français.

    Tout territoire, portion de surface terrestre appropriée par une société (Le Berre M., 1992), est marqué par des inégalités sociales, à commencer par une inégalité d’accès aux services publics comme la santé ou l’éducation. Cette inégalité d’accès tient à la fois à l’inégale distribution des ressources dans l’espace (équipements, revenus), et à l’organisation de l’espace ou du territoire. Tous les lieux de résidence ne se valent pas : zones de montagne paupérisées et enclavées ou pas, îles domiennes ultrapériphériques bien reliées à la métropole ou non, pôles urbains inégalement accessibles selon leur taille, etc. En Guyane par exemple, comme en Lozère, toute poursuite d’étude post baccalauréat de la part d’un jeune habitant les marges rurales du département, implique une mobilité sans retour vers une aire urbaine de grande taille. L’inégale distribution des ressources dans l’espace contribue à son organisation (exemple de la création de nouveaux centres de services comme la construction de collèges neufs en couronnes périurbaines denses). La métropolisation repose pour une partie sur le processus de concentration de l’offre de formation initiale et continue. Dans ce cadre, la scolarisation, mais surtout la mobilité alternante ou définitive qu’implique souvent une poursuite d’étude, génère des dépenses que tous les ménages ne peuvent pas assurer. Selon le type de territoire de résidence, la dépense sera plus ou moins lourde. Habiter la première couronne d’une grande aire urbaine bien reliée au pôle très équipé coûte moins cher en frais de transport entre domicile et lieu d’étude que de résider hors de l’aire urbaine.

    L’inégale distribution des ressources et l’organisation de l’espace, sous-jacentes à l’inégalité d’accès à l’éducation et à la formation, résulte de l’histoire économique et sociale locale, régionale et de la réussite ou de l’échec de certaines politiques publiques. Ces dernières relèvent de plusieurs registres : planification de l’offre de formation initiale et continue par les conseils régionaux et les rectorats, aménagement du territoire (cf. plan Université 2000 ayant multiplié les antennes universitaires), plan autoroutier national (ministère des transports), régime d’allocations boursières sur critères sociaux ou carte de l’éducation prioritaire (ministère de l’éducation nationale), etc. Ces politiques à la fois sociales et spatiales sont en prise avec des disparités de grande ampleur comme en matière de revenu des ménages par exemple. Ces disparités sont héritées. En Nord-Pas-de-Calais, la crise industrielle des années 1980 (charbonnages, sidérurgie, textile) a durablement paupérisé l’ensemble de la société en dotant cette région des plus forts taux de chômage depuis 30 ans. La population habitant le canton de Roubaix est sans doute une des plus pauvre de l’hexagone avec 9000 euros de revenu annuel médian par unité de consommation (INSEE, 2006), contre 40 600 dans le canton de Neuilly-sur-Seine ou 35 500 euros pour la population du XVI ème arrondissement de Paris à la même date (moyenne nationale de 16 300 euros).

    Les inégalités socio-spatiales du champ de l’éducation s’expliquent aussi par les pratiques des habitants face à l’offre de formation. Ces pratiques (choix d’orientation, poursuites d’études, mobilités, évitement d’établissements scolaires, etc.), sont en partie motivées par un effet de territoire (Champollion, 2013), à savoir l’effet d’un sentiment d’appartenance à un territoire (portion de surface terrestre appropriée par une société pour reproduire ses besoins vitaux). Un fort sentiment d’appartenance à une communauté îlienne (Corse, Antilles, etc.), ou à une communauté ancrée dans une vallée (Ubaye, haut Doubs, etc.), ou ancrée dans un quartier ZUS (zone urbaine sensible), explique la faiblesse de certaines mobilités alternantes et définitives d’exode pour se former à l’extérieur du territoire d’appartenance. La territorialité est aussi en jeu dans ce processus. Le territoire rêvé ou symbolique, présent dans les têtes des habitants (lieux attractifs et répulsifs de son territoire, des territoires voisins, limites de son territoire, etc.), est en effet un élément pris en compte par les individus pour élaborer leurs stratégies de formation, d’orientation et effectuer leurs pratiques de mobilité.

    Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. 2003, Belin, dir J. Lévy et M. Lussault

    Dictionnaire Hypergéo, 2015, http://www.hypergeo.eu

    Dictionnaire « Les mots de la géographie », R. Brunet et al., 1992, La Documentation Française

     

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