Genre, éducation et territoire

Genre et territoires ruraux

 

Approche comparative des effets des contextes territoriaux ruraux sur les trajectoires scolaires des garçons et des filles dans le « rural isolé » et le « rural sous faible influence urbaine »

 

Cette brève note de synthèse s’appuie essentiellement sur la comparaison par genre des résultats et des trajectoires scolaires des garçons et des filles tous scolarisés en CM2 (1999-2000) dans le rural isolé (RI) et montagnard, d’une part, et le rural sous faible influence urbaine (RSFIU), d’autre part (suivant l’ancienne classification INSEE-INRA de 1996)[1]. Ces élèves ont pour la quasi-totalité d’entre eux[2], fréquenté pendant les quatre années suivantes le collège de montagne ou rural de secteur. Il s’agissait de déterminer, à partir des données collectées sur leur scolarité entre 1999 (CM2) et 2006 (classe de terminale pour ceux « qui étaient à l’heure »), si – au-delà des écarts déjà bien connus de performances et de trajectoires entre garçons et filles – le territoire rural impactait différemment les scolarités des garçons et des filles. En se fondant sur les recherches conduites antérieurement sur la question, deux hypothèses ont été émises pour ce faire :

1/ La scolarisation en zone rurale isolée ou montagnarde influe de façon différenciée sur les résultats et les cursus scolaires des garçons et des filles au-delà des différences constatées hors contexte territorial.

2/ Pour un temps au moins – qui se situerait jusqu’au milieu des études secondaires – les filles semblent davantage que les garçons échapper à un certain « déterminisme local[3] » défini en note.

En utilisant la base de données de l’OET (près de 2400 élèves en 1999) élaborée à partir du suivi longitudinal des cohortes d’élèves qu’il a étudiées, sept composantes de la scolarité des élèves ont été isolées pour répondre à la question :

– Résultats scolaires de 1999 à 2006.

– Goût pour l’école de 1999 à 2003.

– Ambitions scolaires.

– Opinion des élèves et de leurs parents sur leur niveau scolaire (ce qui représente un pan de l’opinion de soi).

– Pratiques culturelles.

– Utilisation des TIC.

– Potentiel de mobilité.

Globalement, seule une partie des hypothèses émises a pu être validée. Voici lesquelles :

– Envisager une mobilité plus tard est apparemment encore un peu plus difficile pour les filles du rural isolé que pour celles du rural sous faible influence urbaine.

– La dégradation de l’opinion des élèves sur leur niveau scolaire est plus lente chez les élèves du rural isolé que chez ceux du rural sous faible influence urbaine et, surtout, plus lente pour les filles que pour les garçons.

Les filles du rural isolé et du rural sous faible influence urbaine font preuve de plus d’ambition que les garçons, bien que l’égalité des genres en termes d’insertion soit loin d’être réalisée (Arrighi, 2004).

– Les parents sont ambitieux pour leurs filles, mais semble-t-il… de loin, comme si la question de l’avenir professionnel des filles était secondaire par rapport à celui des garçons…

A noter que les pratiques culturelles des adolescents d’aujourd’hui paraissent suffisamment « uniformisées » pour dire qu’il n’existe de moins en moins de différences notoires entre élèves ruraux et urbains de ce point de vue (Champollion, 2015). De plus, les élèves du rural isolé ne semblent pas, contrairement à beaucoup d’idées reçues, souffrir fortement des effets de l’isolement social[4] (Alpe & Fauguet, 2008).

Cependant, le monde rural évolue vite. Ces données sont donc susceptibles d’évoluer fortement – dans un sens ou dans un autre – qui sera à déterminer à l’occasion de la seconde grande enquête longitudinale lancée par l’OET en 2011-2012.

TMC

[1] Cf. Les campagnes et leurs villesPopulation, 1998, vol. 53, n° 4, pp. 885-886, en ligne sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1998_num_53_4_6949.

[2] 96 % d’entre eux sont entrés en 6ème en 2000 / 2001 (91 % dans le collège de secteur, 5 % dans un autre).

[3] Le terme de “déterminisme local » doit être pris ici dans une acception bourdieusienne en lien avec le concept d’ « habitus ».

[4] Qui diffère de l’enclavement géographique.